Mushi-shi, l’intégrale des funcards, partie 1

Il y a quelques années, j’ai fait toute une série de funcards sur Mushi-shi.

Une funcard, c’est une « fausse » carte Magic, créée par un⋅e joueur⋅se pour s’amuser, pas pour jouer (du moins pas dans un deck officiel). Il y a de nombreux types de funcards, selon qu’on se conforme aux règles préexistantes – on les surnomme les realcards – ou non, en ajoutant des couleurs, des types de carte, ou bien en changeant une règle fondamentale ; il y a celle qui sont faites pour faire rire, et celles qui sont simplement des cartes qui n’existent pas dans Magic mais pourquoi pas ?


Rien ne semble les rattacher au monde réel, car ces créatures sont totalement différentes des bêtes grossières que l’on côtoie habituellement. Au fil des siècles, les gens se mirent à les respecter et à les craindre et ils leur donnèrent le nom de ‘mushi’.

Mushishi est un manga japonais, par Yuki Urushibara, adapté en série animée par le studio Artland (la première saison est sortie fin 2005, la seconde est cours de diffusion – oui, 9 ans après). Il présente un Japon du XIXe siècle, la vie des gens, essentiellement des paysans, et leurs relations avec la nature. Notamment avec les ‘mushi’ (auxquels je ne mettrai pas de s vu que c’est du japonais, ça signifie ‘insecte’). Les mushi sont des créatures pas tellement animales, ni végétales, très proches de la vie indifférenciée. Par cela, ils sont peu visibles par les humains, mais la cohabitation n’en est pas moins difficile par moments.

En effet, ils sont si différents qu’il est presque impossible de se comprendre. Pourtant, il y a des personnes, mi-médecins mi-botanistes, qui les connaissent, ou du moins tentent d’en savoir plus sur eux. Ginko (prononcez « g’in’ko ») est un de ces ‘mushishi’ (maître des insectes, littéralement). Il voyage à travers le pays, poursuivant des légendes, des rumeurs, pour découvrir de nouvelles espèces. Ce faisant, il résout des énigmes et soigne les villageois ; car les mushi ont tendance à nuire aux humains. Pas par méchanceté. Par instinct de survie, simplement.


Par exemple, certains mushi se nourrissent de bruit. Aussi, quand la neige tombe et absorbe tous les sons, ils se réfugient au fond de l’oreille des gens, car ils savent qu’ils y trouveront à manger. Mais cela entraîne la surdité des personnes susdites…

C’est par la carte présentant ce mushi que j’ai commencé ma série, publiée sur le site de la Secte des Magiciens Fous (ça en jette, hein ?) il y a maintenant 7 ans.

Un, mushi mangeur de bruit

Visite {G} Quand vous attachez le Un à une créature, choisissez l'un — La créature visitée ne peut pas attaquer ; ou la créature visitée ne peut pas bloquer.
Un
Visite {G}
Quand vous attachez le Un à une créature, choisissez l’un — La créature visitée ne peut pas attaquer ; ou la créature visitée ne peut pas bloquer.

La capacité principale de cette carte est la Visite. C’est une capacité que j’ai inventée, et dont le texte de rappel (reminder text) est :

Payez le coût de visite : attachez cette créature à la créature ciblée. La créature visiteuse acquiert défenseur. Si la créature visitée quitte le champ de bataille, remontez la créature visiteuse dans la main de son propriétaire.

Les règles associées (mises à jour) sont :

La créature à laquelle la créature avec la visite est attachée est appelée la « créature visitée ». La créature avec la visite est attachée à, ou visite, cette créature.

La créature avec la visite attachée à une autre est appelée la « créature visiteuse ».

Une créature ne peut être visitée que par une seule créature avec la visite à la fois.

Une créature visiteuse ne peut pas être visitée.

Le type d’une créature avec la visite ne change pas qu’elle soit visiteuse ou non : c’est une créature-enchantement dans les deux cas, par opposition à la Grâce (point 702.102 des Comprehensive Rules).

Ici, avec le Un, la créature visitée ne peut pas bloquer, ou pas attaquer. Le Un se nourrit de son, et ce faisant, il handicape la créature qu’il visite en lui faisant perdre une capacité.

Litique calmant - {W}, {T} : Le Litique calmant perd cette capacité et devient un enchantement aura avec enchanter : créature. Attachez-le à la créature ciblée. Vous pouvez payer {W} pour mettre fin à cet effet. La créature enchantée ne peut pas attaquer.
Litique calmant
{W}, {T} : Le Litique calmant perd cette capacité et devient un enchantement aura avec enchanter : créature. Attachez-le à la créature ciblée. Vous pouvez payer {W} pour mettre fin à cet effet.
La créature enchantée ne peut pas attaquer.

Lorsque j’ai publié le Un pour la première fois, j’ai eu des critiques comme quoi la visite était copiée sur la capacité des litiques, et le Un, un plagiat du Litique calmant.

Ce n’est pas exactement la même chose : le litique est une créature (non-enchantement) qui peut devenir à part entière un enchantement.

Pour ma part, je tirais mon inspiration de la Luminide transparente, parue dans Vision de l’Avenir, et qui est la toute première créature-enchantement ever. Elle ne faisait rien que d’être une créature-enchantement, mais elle me faisait envie !

Cette année, le bloc Théros est sorti, qui a fait un usage intensif des créatures-enchantements – ils ont essayé de faire rentrer la Luminide dedans mais n’ont pas réussi :( – et apporté la capacité de grâce.

Si vous lancez cette carte pour son coût de grâce, c’est un sort d’aura avec enchanter : créature. Elle redevient une créature si elle n’est pas attachée à une créature.

C’est-à-dire que ce sont des créatures ET enchantements, sauf si l’on a payé le coût de grâce, qui est un coût alternatif, et qui fait que le sort de créature devient un sort d’enchantement de sous-type aura, qui peut donc légalement enchanter un permanent (ici, une autre créature uniquement). Moi, j’avais ajouté une capacité d’attachement d’une créature à une autre (plutôt contraire aux règles) alors que les designers de Wizards ont respecté l’effet de l’attachement en… carrément transformant un sort dans un autre type qui pourra légalement enchanter une cible. J’admire ce design, que je trouve très ingénieux. Je trouve également très drôle d’avoir conçu quelque chose de ressemblant plusieurs années avant la sortie de Théros ! Près de la moitié des enchantements sont des auras, c’est-à-dire des enchantements que l’on peut attacher à des permanents. C’est une capacité qu’ils ne partagent qu’avec les équipements – équipements qui ont été conçus précisément pour pallier à la faiblesse des auras (si le permanent enchanté quitte le champ de bataille, l’aura est mise au cimetière). Se baser sur cette capacité pour des créatures-enchantements me paraît tout à fait logique, c’est un cas d’évolution convergente très classique.


J’ai ensuite publié une dizaine de cartes dans l’univers de Mushi-shi, en développant un peu les règles de la visite, qui n’étaient pas très claires au début, et en changeant le symbole d’extension en cours de route. Il s’agissait à la base d’une coupe à sake qui a son importance dans un des épisodes, mais ce n’était ni joli ni lisible sur les cartes. Donc c’est devenu un kanji, celui qui signifie luminosité. C’est en rapport avec une partie importante de la mythologie de Mushi-shi : la rivière de la vie, une sorte de route faite de milliards de mushi lumineux, qui est au centre de plusieurs histoires.

Kouda irisé

Kouda irisé Visite {3}{G} La créature visitée acquiert la protection contre toutes les couleurs et les artefacts (cet effet ne détache pas le Kouda irisé) et a "Au début de votre entretien, le Kouda irisé lui inflige autant de blessures que de couleurs différentes parmi les permanents qu'un adversaire ciblé contrôle. Ces blessures ne peuvent pas être prévenues."
Kouda irisé
Visite {3}{G}
La créature visitée acquiert la protection contre toutes les couleurs et les artefacts (cet effet ne détache pas le Kouda irisé) et a « Au début de votre entretien, le Kouda irisé lui inflige autant de blessures que de couleurs différentes parmi les permanents qu’un adversaire ciblé contrôle. Ces blessures ne peuvent pas être prévenues. »

Celui-ci est le Kouda irisé, une sorte d’arc-en-ciel vivant. Il envoûte, il attire, et celui qui le touche passera sa vie à le chercher de nouveau.

Le Kouda est une émanation visible de la rivière de la vie.

La créature visitée ne craint plus rien, et traverserait le monde pour revoir, ne serait-ce qu’une fois, cette beauté irréelle qui s’est imprimée dans ses yeux ; elle a la protection contre toutes les sources (j’ai omis terrains et sources incolores non artefacts, parce que c’est si rare que ça ne valait pas la peine d’alourdir le texte). Mais en contrepartie, chaque tour, elle est blessée par l’absence de ce qu’elle cherche. Notez que la protection ne retire pas le Kouda, et que les blessures qu’il inflige ne peuvent être prévenues, ce qui permet de passer outre la protection.

Je n’ai ici pas eu la place de mettre un texte d’ambiance, et j’aurais pourtant bien voulu. Il aurait pu être « Mon père a suivi l’arc-en-ciel un jour, il n’est jamais vraiment revenu. ».

L’épisode où ce mush apparaît est très mélancolique, il parle de la recherche sans fin par un fils d’un arc-en-ciel qui obsédait son père.


Mushi des Uminaoshi

Mushi des uminaoshi Visite {1}{U} Quand la créature visitée quitte le jeu, son contrôleur la retire de la partie avec deux marqueurs "temps" sur elle, elle acquiert la suspension.
Mushi des uminaoshi
Visite {1}{U}
Quand la créature visitée quitte le jeu, son contrôleur la retire de la partie avec deux marqueurs « temps » sur elle, elle acquiert la suspension.

Pour le Mushi des Uminaoshi, je réécris un peu le texte car les règles ont changé depuis (et surtout parce que je viens de me rendre compte d’une bourde, qui me fera peut-être refaire la carte un jour) :

Visite {1}{U}

Quand la créature visitée quitte le jeu, son propriétaire l’exile avec deux marqueurs « temps » sur elle, et elle acquiert la suspension si elle ne l’avait pas.

Cette carte n’est pas sans rappeler Décès trompeur ou bien Retard.

Il y a une île où les gens reviennent après leur mort. En fait, si une personne meurt à un endroit précis, un ensemble de rochers à quelques milles du rivage, un mois plus tard, une femme qui ingère les perles apparues près de ces rochers donnera naissance à cette même personne… Ceux qui sont revenus sont appelés ‘Uminaoshi’ ce qui signifie ‘né de nouveau’. Nul ne se pose vraiment la question sur la raison, sauf le mushishi Ginko, qui vient un jour sur cette île, poursuivant la légende des Uminaoshi ; il découvre que le responsable est… un mushi. C’est bien, vous suivez :D

L’image est un screenshot de l’animé, et oui, ce sont bien des tentacules noires sur un fond bleu foncé… Ce mushi, non nommé, vit au fond de la mer, et la seule scène où on le voit se passe… la nuit. (ah, les commentaires à ce propos sur la page où j’ai publié en premier sont épiques ! On m’a même proposé que la prochaine carte soit un combat de Nocturnus des Abysses la nuit dans un tunnel.)


Pierre à encre fossile

Pierre à encre fossile {1}{B}, {T} : mettez en jeu un jeton de créature-enchantement 1/1 Mushi, avec Visite {3}{B}. Cette créature a : "Tant que cette créature est attachée, elle a entretien cumulatif — cette créature inflige 1 blessure à la créature visitée".
Pierre à encre fossile
{1}{B}, {T} : mettez en jeu un jeton de créature-enchantement 1/1 Mushi, avec Visite {3}{B}. Cette créature a : « Tant que cette créature est attachée, elle a entretien cumulatif — cette créature inflige 1 blessure à la créature visitée ».

La pierre à encre est un outil extrêmement important pour la calligraphie chinoise, elle fait partie des « quatre trésors du lettré », avec le papier, l’encre et le pinceau. Cet objet est fait de pierre, donc, pierre volcanique, ardoise, jade pour les plus précieuses, ou céramique ; et son utilité est due au fait que l’encre est conservée sous forme solide, en bâtonnet (parfois sculpté et peint), qui est frotté sur la surface granuleuse de la pierre, dans laquelle on a aura mis un peu d’eau, afin de dissoudre l’encre. La qualité de la pierre à encre est primordiale, au même titre que la qualité de l’encre elle-même.

Dans le cas qui nous concerne, cette pierre est en fait un mushi fossilisé, qui a été taillé. Mais si on le frotte avec de l’eau, il se réveille, attrape les premiers poumons venus et pompe toute l’eau disponible dedans afin de pouvoir se reproduire.

On a donc un artefact qui produit des jetons. Ces jetons peuvent visiter des créatures, mais là, attention ce ne sont pas les créatures visitées qui acquièrent des capacités, ce sont les jetons-mushis. La capacité de ces jetons, c’est une mort à petit feu. Une blessure, effacée à la fin du tour (nettoyage). Puis deux, effacées à la fin du tour. Puis trois. Et puis vient le moment où les blessures suffisent.


Je vais m’arrêter là pour cette fois, et publierai la seconde partie un peu plus tard, où l’on va plus s’attarder sur les humains. J’espère vous avoir donné envie de

  • faire des funcards (même si je n’en fais plus depuis des années, je pourrais faire un tuto – voire m’y remettre ! J’ai souvent des idées, mais la mise en place est laborieuse).
  • regarder, et lire, Mushi-shi – et cela, je le conseille sans hésiter. C’est une sorte de parenthèse verdoyante et contemplative. C’est un très bon animé pré-coucher, on s’endort avec des images et des musiques très agréables. Le thème principal fait partie de mes préférés, il décrit vraiment bien cette ambiance de vieux Japon couvert de forêts, où les gens vont à pied et où on a le temps.